vendredi 9 octobre 2015

# 19 - Absence de sommeil, blues matinal & MMORPG épisode 1/3

@Marimnz
https://www.flickr.com/photos/mahms/


un long billet scindé en 3 parties, la seconde partie sera publiée mardi 13 et la dernière le vendredi 16, bonne lecture :-)


Il est 6h00 et je n'ai pas dormi. N'allez pas croire que je suis de nuit en ce moment, non je bosse d'après-midi. J'ai terminé hier à 22h00 et je reprends tout à l'heure à 14h00. Je me suis couchée à minuit et là et bien il est 6h00 et comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai pas dormi.

J'ai pourtant essayé mais je n'y suis pas parvenue. C'est pas faute de pas savoir comment faire car le sommeil je maîtrise normalement. J'ai encore posé la question à mes parents et ils - enfin ma mère - me l'ont confirmé: "Mais oui Suzie, tu faisais tes nuits avant tes 2 mois." Alors j'ai commencée à compter et comme j'ai aujourd'hui 32 ans, ça fait tout de même une expérience non négligeable de plus de 11.000 nuits à mon actif.

Non y'a pas à dire, je devrais dormir...
Pourtant, je le redis, il est 6h00 et je n'ai pas dormi.

ça à commencé il y a un peu moins de deux ans. Comme ça sans trop d'explications. Je rentre du boulot, grignote un truc, surf un peu sur le net, avale une tisane, me pose devant un livre ou un film et quand je sens que ça vient, je file me coucher. Fatiguée, oui généralement fatiguée. J'apprécie le confort de mon matelas qui fut l'un de mes premiers achats après mon embauche. Je le sens, je suis prête à me laisser envelopper par les bras de Morphée.

Et puis non, ça ne marche pas. Je suis allongée, je suis détendue, je ferme les yeux. à priori tout est réuni pour que je m'enfonce en douceur. à priori oui mais ça c'est sans compter sur ces putains d'idées dont je n'arrive pas à me défaire.

Car ces nuits-là, il y a toujours un patient ou deux qui s'invitent dans mon lit. Au sens figuré on est d'accord hein! Que ce soit par son visage ou par ses mots, sa détresse ou sa folie, sa fausse absence ou son trop de présence, oui on est toujours deux dans mon lit. Je ne lui met pas d'oreiller, il n'en a pas besoin, car c'est dans ma tête qu'il s'est enfoui. Et j'ai beau me gratter le crâne, impossible de l'en faire sortir.

Toute la nuit durant, je me repasse sa prise en charge, je vois ce qu'on a raté et que dès demain je vais modestement tentée de rectifier. Il est 2h00, je suis impatiente d'être à demain. Dans la fournaise. Je vois les symptômes qu'il présentait lors de son admission et comment il est aujourd'hui. Et s'il hante mes nuits, c'est peut-être parce qu'il est pire. Tout s'est accentué, intensifié, développé. Si je tends l'oreille, dans le silence et l'obscurité de la nuit, je crois entendre sa souffrance. Il est 3h00, je suis impatiente d'être à demain. Tantôt je le vois figé, cassé, neuroleptisé, lui dont l'excitation motrice dès premiers jours résonne vaguement dans la mémoire collective du service. Tantôt je le vois éteint, silencieux, vide, lui dont la logorrhée et la tachypsychie nous épuisait les uns après les autres. Et si nos remèdes étaient pire que le mal? Il est 4h00, je me lève pisser, je suis impatiente d'être à demain. J'ai les yeux fermés mais je continue à le voir. Je le vois déambuler dans nos couloirs froids, cherchant vaguement un réconfort qu'il peine à trouver. Et je nous vois nous, courant tout le temps, oubliant la raison pour laquelle nous sommes là, remplissant des formulaires dénués de sens mais les remplissant quand même parce c'est comme ça se répète-t-on comme si ça pouvait nous convaincre. Il est 5h00, le doute s'est installé au creux de mon estomac, je suis impatiente d'être à demain. Tiens je me dis, mais au fait demain... c'est aujourd'hui. ça ne me rassure pas vraiment. J'envisage de décrire ma nuit sur mon blog. C'est mon blog, j'y écris ce que je veux. Là, si je veux écrire Chien, ben je l'écris: "Chien". Alors pourquoi pas ma nuit après tout? Parlez de ça, de ce boulot génial qui je ramène d'abord dans ma voiture, ensuite dans mon lit. Si vous lisez cela, c'est que je l'ai fait. Il est 6h00 et je n'ai pas dormi. Chien. Je pense animal, je pense roi des animaux, je pense lion, je pense fauve. C'est mon cheminement. Et c'est ça, j'ai envie d'écouter fauve. Alors je m'installe, café brûlant à la main, sur le rebord de ma fenêtre. Dehors la ville reprend ses droits. Quelques phares percent l'obscurité, le néon de la pharmacie voisine annonce la couleur. Vert, il reste un semblant d'espoir. J'ai envie d'y croire. Jeunesse talking blues, play.



la suite de ce billet dès vendredi.

Teaser: dans l'épisode 2, Suzie arrivera-t-elle à émerger malgré sa nuit de m....? Le café de 6h du mat sera-t-il suffisant? ou faudra-t-il y ajouter de la chicorée? Mais surtout on parlera étudiant infirmier, réunion clinique, addictions sans substance et Meuporg...




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