mardi 20 octobre 2015

# 22 - Le locataire de Roman Polanski



C'est l'histoire d'un passage à l'acte, d'un passage à l'acte inéluctable. Du genre qui aurait nécessité une hospitalisation d'urgence. Mais ici, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Non ici on ira jusqu'au bout, jusqu'à ce que sa fasse mal. Ce passage à l'ace, c'est celui de Trelkovsky, alias Roman Polanski himself, qui va au cours de deux heures que dure le film décompenser sa psychose. Deux heures d'une montée progressive en angoisse où Polanski - dont l'interprétation est tout aussi excellente que la réalisation - sombrera dans une folie faite de persécution et d'interprétations erronées.

Trelkovsky n'est pas un original, bien au contraire. Il serait même un brin chiant... Homme discret doté d'un charisme qui l'est tout autant (quoique, il parvient sans peine à séduire Isabelle Adjani) il nous avant tout présenté comme le nouveau locataire d'un appartement. Et cela n'est pas sans importance.




Le film ne s'appelle ni le bureaucrate, ni l'archiviste mais bien le locataire car cette location est au coeur du délire qui va se construire dans l'esprit de Trelkowsky. L'appartement et son histoire en est à la fois le point de départ et le point d'ancrage. A ce titre "le locataire" constitue avec "Repulsion" et "Rosemary's Baby" un triptyque absolument hallucinant sur les appartements et leur contribution aux angoisses de leurs occupants. La précédente locataire s'est défenestrée et est entre la vie et la mort à l'hôpital. Quelle mauvaise idée a Trelkovsky de se rendre à son chevet alors qu'il ne la connaît même pas. Cette visite va le hanter au point qu'il va petit à petit s'identifier à cette femme.

S'il vous arrive de vous entretenir avec des schizophrènes en phase aiguë de leur maladie, vous avez déjà dû avoir cette impression que leurs 5 sens sont plus qu'en éveils, ils agissent comme des méga-récepteurs. Comme si tous les stimulis extérieurs leur parvenaient en même temps, sans tri ni hiérarchisation. Cela est très bien reproduit grâce au travail à la musique de Philippe Sarde. Chaque son de ce vieux Paris est exacerbé ce qui participe au climat anxiogène et oppressant qui semble condamner Trelkowsky. 

Ce climat atteint son acmée au cours d'une scène ou Polanski-Trelkowsky se rend sur aux toilettes située hors de l'appartement et desquelles il voit son double resté dans l'appartement. Angoisse massive! Je mets le lien youtube mais préférez voir le film en entier si vous ne connaissez pas:





Malgré ses 40 ans ce film montre à voir la psychose comme peu le font. Repulsion, 10 ans plus tôt, du même Polanski, traitait des mêmes thèmes si ce n'est que la décompensation de Catherine Deneuve se faisait sur un mode hétéro-agressif. Chose que j'avais regretté car cela montrait le schizophrène comme un être dangereux pouvant frapper à tout moment. Malgré cela j'avais trouvé Repulsion excellent. Bande-annonce:




Avec "Le locataire", Polanski affine son propos en montrant que l'agressivité du psychotique vient en réponse à un monde insupportable fait ici de fausses reconnaissances, d'impression de complot et d'interprétations hâtives. Tout cela plongeant son personnage principal dans une peur permanente dont les seule issues sont soit de faire face en agressant à son tour (stratégie défensive) soit de se tuer (stratégie d'abandon) pour supprimer la peur. CQFD.

Polanski dont la vie est émaillée de traumatismes (sa mère meurt à Auschwitz, sa femme Sharon Tate est assassinée alors qu'elle était enceinte de 8 mois par les fidèles de Charles Manson gourou de la secte "la famille"...) livre une fois de plus une oeuvre fascinante et puissante qui fait de lui un auteur unique et qui continue plusieurs décennies après à livrer de grands films (cf "the ghost writer" en 2010, "carnage" en revanche en était un... carnage!). 

Alors un conseil à tous les professionnels de santé en psy: 
REGARDEZ LE LOCATAIRE !
(Et si vous ne bossez pas en psy: regardez le locataire!)


Bon et puis comme ce film est l'adaptation d'un roman de Topor, il ne me reste plus qu'à lire dès que je mets la main dessus "le locataire chimérique"!

pour aller plus loin: la page de polanski sur wikipédia



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