vendredi 22 janvier 2016

# 35 - Il fait noir, noir foncé même, avec des tâches obscures et de sombres reflets. épisode 3

@Andi Jetaime



Ultime étape de cette chronique en 3 volets. Encore une fois c'est pas la joie. Je vais pas te faire le résumé des 2 premières parties mais je t'invite à les lire ici et ici. Bonne lecture!  


Ce soir je me sens comme une merde.
J'ai envie de vomir.
De vomir cette boule coincée dans ma gorge.
Une boule qui a prit son temps, mais la voilà remontée, une boule chargée d'angoisse et de colère, une boule qui s'est lentement formée dans les tréfonds de mon tube digestif au cours de 8 heures passées. J'ai cette journée qui tourne en boucle et mon esprit - malgré mes efforts - n'a de cesse de m'y ramener.

J'ai beau tout essayer, il veille, à ce que je décortique scène après scène ce qui vient de se passer. Facebook, TV, bouquin rien n'arrive à maintenir mon attention. Alors c'est peut-être pour ça que j'écris cette chronique, pour ne pas sombrer dans une zone que je tiens à distance respectable.

Oui, il serait plus simple de péter une bouteille d'un vin quelconque et de m'enivrer jusqu'à ce qu'un sommeil de plomb s’abatte sur moi. Oui il serait plus simple de rouler un énorme spliff et de doucement m'envoler vers un paradis artificiel. Oui tout ça serait si simple, mais ce n'est pas ça que je veux. Je veux faire face, PMA quoi...

J'ai pas vraiment l'envie de relire ces longs paragraphes que je viens de saisir mais je crois avoir tracé les grosses lignes de ma journée. A l'heure qu'il est je ne suis même pas certaine de publier cette chronique car elle me semble tellement éloignée de ce que je voulais mettre dans ce blog. Moi j'avais envie de donner un éclairage sympa sur les  hôpitaux psy, que les gens qui me lisent se disent "ben dis donc ça a l'air sympa en fait ce milieu, et puis c'est intéressant le métier d'infirmière, elles sont pas juste des exécutantes des ordres du médecin, elles réfléchissent..." mais tu parles me voilà en train de parler de violence. Alors ok mea-culpa, je peux pas faire comme si elle n'existait pas cette violence, elle n'est pas qu'une légende urbaine, mais croyez moi, malgré mes propos du jour, elle n'est qu'une minuscule partie de notre travail. Une infime partie, la plus négligeable, la moins intéressante mais malheureusement elle laisse des traces. Et même si ce soir c'est dur à dire, je vais au moins vous l'écrire "travailler en psy, c'est génial" allez disons le plus fort "TRAVAILLER EN PSY, C'EST GÉNIAL".

Mais bordel, il est où le soutien institutionnel? On dit qu'en psychiatrie les murs soignent mais je crois qu'ils sont bien souvent vachards avec les soignants. Je réclame une empathie institutionnelle... mais comme le clamait l'accroche d'Alien premier du nom "dans l'espace personne ne vous entend crier".  Aujourd'hui, j'ai abandonnée la sœur d'un patient en demande d'aide, j'ai sauté sur un patient, j'ai injectée de force une autre patiente et personne n'a jugé bon de dire qu'on pourrait avoir besoin de se poser un peu, de souffler et de remettre un peu de sens là dedans. Et Jenny, ma jeune collègue qui tentait d'éviter les uppercuts comment-a-t-elle vécue le reste de sa journée? Rapidement je jette un œil sur facebook pour voir si elle est connectée mais elle ne l'est pas. Faut qu'on parle toute les deux car je le sais déjà, personne ne viendra nous voir. Comme si nous étions des machines, apte à sauter sur quelqu'un puis à poursuivre comme si de rien n'était notre journée entre entretien de soutien psychologique, négociation de traitement, aide au déshabillage, au couchage... Comme si tout glissait sur nos peaux juvéniles sans laisser de marque. Mais c'est pas comme ça que ça marche. Non, ce qui se passe dans nos services nous affecte et puisqu'il n'y a personne pour en parler, moi je l'écris. Ecrire, acte de résistance ou de résilience? Bien sûr tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut parler mais comme il n'y a jamais de temps dédié à ces temps de parole et bien ces temps n'existent pas... Et puis en filigrane, le discours est du genre "pas de place pour les faibles... prends sur toi, sinon tu dégages..."

Bon, je suis un peu moisie ce soir. Il est temps de fermer ce portable et de se raccrocher, de me raccrocher, à la PMA. Avec un peu de chance la journée de demain sera d'une calmitude réjouissante et je trouverais le temps et l'interlocuteur pour un peu vider mon sac... Et puis si personne n'a eut le temps de poursuivre ma discussion avec la sœur de ce patient en placement et bien je lui passerais un coup de fil et reprendrais là où nous nous sommes arrêtés. Les choses ne sont pas fichues, rien n'est figé. Derrière l'obscurité, la lumière.




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