dimanche 29 novembre 2015

# Revue du web du 29 novembre 2015





2- où le numérique s'invite via T-shirt et soutien-gorge pour venir en aide aux personnes bipolaires. Très prometteur, l'univers 2.0 voire 3.0 avec ses fringues connectées à un smartphone va bouleverser nos vies. à lire ici, le projet PSYCHE :http://somapsy.org/le-projet-psyche-de-monitoring-multiparametrique/



5- où je vous invite à télécharger et à lire cette BD intitulée l'éclipse d'un ange qui parle de l'expérience d'un jeune patient schizophrène. http://www.artambules.com/ Bravo, beau travail réalisé par un HDJ!

6 - où l'on fait le point sur la commission départementale des soins psy, la CDSP. Instructif: http://www.sante.gouv.fr/a-quoi-sert-la-commission-departementale-de-soins-psychiatriques-cdsp.html

7- où l'on reparle des contentions mais cette fois-ci avec des propositions plus ou moins discutables: http://www.santementale.fr/actualites/contention-et-isolement-des-soignants-formulent-des-propositions.html






vendredi 27 novembre 2015

# 28 - la suite royale - épisode 4/4: l'alternative et le débrief

@Irina Souiki


Nous y voilà! C'est l'heure du dernier épisode de cette chronique consacrée à une intervention en chambre d'isolement. T'as loupé le précédent épisode, tu peux le lire ici: http://suzieqisinthehouseofmadness.blogspot.com/2015/11/26-la-suite-royale-episode-34.html

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Quand David est revenu avec le petit verre en pyrex Franck et moi étions avec la patiente dans la chambre d'isolement. D'un commun accord nous avions décidé de reporter à demain la prise des paramètres vitaux. Il s'approche de la jeune femme, j'aimerais qu'il me donne le verre mais non il y va.

- Tenez madame, c'est le traitement prescrit par le médecin.

Son regard se pose alternativement sur David puis sur le verre à la couleur trouble. Elle affiche un air suspicieux qui nous fait comprendre qu'elle n'est pas décidée à avaler ça sans manifester un minimum d'opposition. Après une longue hésitation, elle finit par se saisir du verre, elle l'approche de ses lèvres puis se rétracte et le pose au sol.

- Non, non, non, vous reprenez ce verre s'il vous plaît. Et vous le buvez. On va pas y passer la nuit.

La scène se rejoue avec un ai de déjà vu. Elle reprend le verre, lentement le porte jusqu'à ses lèvres, puis alors qu'on est tous suspendu à son action, elle le repose, sans en renverser une goutte.

David trépigne d'en finir. Alors il lance l'argument que nous maîtrisons à la perfection:

- Ecoutez, prenez ce traitement par la bouche ce sera beaucoup plus simple pour tout le monde. Car ce traitement vous l'aurez d'une façon ou d'une autre. Soit vous le prenez par la bouche, soit on vous l'injecte dans la fesse. Pour nous peu importe.

David est sur un mode "j'te parle à l'impératif", il n'y a pas de négociation possible. L'alternative per os ou en injection n'en est pas une, c'est une injonction à prendre le traitement, il le lui  fait bien comprendre. Le traitement, tu administreras. On dirait l'un de ces putain de dix commandements. En soit il n'a pas tort. D'une sédation, elle a grand besoin, ça on est tous du même avis. C'est la méthode qui me dérange un peu. Car par moments Mle K. laisse entrevoir quelques idées de persécution, lui administrer de force le traitement, c'est renforcer son idée de traquenard. Et à l'injection de force, on y va droit... Car rien à faire elle refuse de reprendre le verre. La tension est remontée d'un cran. On peut presque sentir sa colère contenue, prête à nous exploser au visage, s'il nous faut la forcer à s'allonger de force sur le lit. David cherche notre regard, il attend qu'on lui confirme l'injection pour qu'il puisse s'absenter jusqu'à la pharmacie la préparer. Mais ni moi ni Franck ne le regardons, notre silence ne signifie qu'une chose "attendons encore un peu". Et ce temps s'étire irrémédiablement, les secondes sont des minutes, les minutes des heures. Alors Franck de sa voix la plus calme interpelle la jeune femme.

- J'aime pas quand il y a cette tension dans l'air. Ce que j'en ai horreur, j'ai l'impression de suffoquer. ça vous dirait de fumer une clope en attendant que mon collègue revienne avec l'injection.

Immédiatement David s'éclipse. La jeune femme ne répond rien à la proposition de Franck ce qui ne l'empêche nullement de poursuivre.

- ça ne vous dérange pas si je m'assoie à côté de vous, histoire de pouvoir discuter tranquillement.

Il sort son paquet de Lucky, porte une cigarette à sa bouche et lui tend le paquet. Alors qu'elle s'apprête à y prendre une cigarette à son tour, il retire le paquet et lui dit:

- Buvez votre verre d'abord. On se fume la clope après, ça fera passer le goût amer.

Sans rien dire, elle prend le verre, le boit et enchaîne sur la cigarette comme convenu.

- Vous me filerez une clope quand vous serez sortie d'ici ok?

Quand quelques minutes plus tard nous sortons de la chambre, David vient trouver Franck qui comme toujours a la victoire modeste.

J'suis désolé, j'ai merdé.

- Mais non t'inquiète pas, t'as eu une journée difficile, t'avais envie que la chambre se fasse vite, sauf qu'avec une patiente comme elle, il faut prendre le temps. C'est elle qui est accélérée, pas nous.

- C'est pas faux. Mais j'ai merdé. J'ai placé l’entretien dans une espèce de rapport de force foireux.

- Et bien super si tu t'en rends déjà compte. Tu remarqueras qu'on a veillé à ne pas te contredire, histoire de ne pas te mettre plus en difficulté. Ton alternative n'était pas mauvaise mais à mon sens tu l'as amené trop tôt. Et pour preuve elle a finit par le prendre son traitement.

- Trop tôt? comment ça?

- Tu sais quand on intervient physiquement sur un patient, on se met en danger. Les coups peuvent tomber et tu le sais très bien même un petit gabarit comme elle peut avoir des ressources surprenantes et décuplées si elle se croit menacée. Alors l'injection de force c'est pour moi la dernière option. Il faut avoir usé toutes nos cartouches avant d'en arriver là. On est pas là pour se faire taper dessus. A la limite si toi t'as envie de te mettre en danger, c'est ta vie, mais dans le cas présent tu ne peux pas impliquer toute l'équipe sans qu'on en ait parlé au préalable. Ok?

- Ben oui je suis d'accord, j'ai fais une connerie.

- Non mais ne prend pas cet air dépité! Reste pas sur cette connerie comme tu dis mais vois plutôt l'expérience que tu en tires. Dis toi que c'est au travers de ces moments que tu améliores ta pratique. C'est bon t'as fait ton mea-culpa, n'en garde que le positif maintenant!

- Tu ne m'en veux pas trop alors ?

- Mais arrêtes, j'ai eu un coup de bol, tu sais c'était 50/50, j'ai tenté le coup de la clope, j'y croyais pas vraiment, si ça n'avait pas fonctionné, on allait à l’intervention physique et j'aurais été aussi ferme et cadrant que toi. Et puis qu'est-ce que tu veux? Personne ne nous forme à l'intervention en chambre. A peine embauché ici, on nous envoie en chambre d'isolement. La plupart des IDE n'en ont jamais vu avant de débarquer ici. Aucune info, aucune instructions sur ce que je dois y faire, ce que je dois y dire. Tout ne se fait que par l'observation des pairs, c'est lamentable et pourtant c'est le meilleur des cas. Dans le pire, c'est de l'impro totale. Alors ta soit disant connerie c'est avant tout celle de la hiérarchie.

- Bon, ben merci!

- Ouais une dernière chose.

- Quoi?

- Fais bien la distinction, soit tu interviens pour ton patient, soit tu es renfort. Et si tu es renfort, c'est mieux de fermer ta bouche. T'es là pour aider, prendre les constantes si on te le demande, intervenir si ça chauffe, mais c'est pas à toi qu'il incombe de mener l'entretien.

- D'accord, bon ça va faire beaucoup de leçon à apprendre.

- Et c'est que le début Dave. Mais il y a quelque chose de fort en toi, c'est ta capacité à te remettre en question. Des collègues qui pensent qu'être cadrant est la seule et unique façon de faire, j'en croise tous les jours. Certains l'étaient déjà quand ils ont débuté et leur façon de faire n'a dévier d'un iota. Et ils s'étonnent d'être toujours au cœur des situations pourries. Mais tout le monde le sait même si personne ne le dit, ils ont leur part de responsabilité dans ces situations qui partent en vrille.

- Je vais réfléchir à tour ça.

- Alors, une seule ligne de conduite: ne reste pas comme tu es, évolue mec

- Message reçu Franck.




mardi 24 novembre 2015

# 27 - la suite royale - épisode 3/4: l'entretien médical

@Luca Rossato


Me dit pas que t'as loupé l'épisode 2. T'as de la chance il est sur le replay! 
Allez file le lire: PREMIER CONTACT

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Trente cinq minutes que l'on poireaute. Dans la chambre d'isolement, la tension est retombée et chacun prend son mal en patience. Franck s'est posté à l'entrée de la chambre, mains dans les poches, posture détendue, il a le regard dans le vide. Il ne dit rien mais montre qu'il est disponible. Je suis en retrait, dans le couloir, avec le cadre de garde. Nous faisons le point sur les papiers en notre possession. Carte d'identité, certificats divers et variés, c'est toujours un vrai bazar réglementaire quand un patient est admis sur décision du Préfet. Entre nous et Franck, nos deux collègues en renfort se sont assis à même le sol. L'un d'entre eux, David, celui qui est du style rentre-dedans lis un vieux Closer qui traînait dans le placard. Enfin quand j'écris "lis un vieux Closer" comprenez "feuillette un torche-cul de seconde main"... Mais bon ça ne s'écrit pas, Suzie Q elle fait dans le propret! Et Mle K. dans tout ça? Et bien elle, elle mange difficilement. Elle débute un plat, repose sa fourchette en plastique et interpelle Franck avec des propos plus ou moins incompréhensibles. Lui, stoïque, se contente d'opiner du chef, lui signifier qu'il l'écoute. Mais à quoi bon répondre? Face à une pensée aussi désorganisée, ce n'est pas quelques mots qui suffiront pour remettre de l'ordre. Alors oui il opine, hoche la tête et envoie quelques relances à base de "hummhumm", "d'accord" ou encore "je vois". Rien de plus mais c'est suffisant. Elle se pose petit à petit, reprend une fourchette dans sa barquette de ratatouille et comme nous, elle attend. La seule demande claire qu'elle formule est celle d'avoir une cigarette, mais il n'y a aucun paquet dans ses affaires alors nous n'avons pas d'autres choix que celui de différer sa demande.

Elle attend que le médecin vienne la voir. On aurait envie de lui en vouloir mais on n'y arrive pas. On le sait, il est coincé sur une situation chaude c'est le cadre qui nous en a informé. Mais bordel, nous on est là, 4 soignants, extraits de leur service. Alors on nous dira que c'est dimanche, qu'il n'y a qu'un médecin pour tous les services mais nous on s'en fout de ces excuses. Car c'est pas nous qui sommes dans la galère avec nos Closer pour tuer le temps. Non la vraie galère, c'est celle de nos collègues que nous avons laissés, nos collègues en service, en effectif minimum et qui doivent prendre en soin 25 patients. Un seul médecin et tellement de situation explosives.

Et puis finalement il arrive. Tout le monde se salue, se serre la main et sans plus attendre le psychiatre file dans la chambre d'isolement. C'est Franck qui fait les présentations. Mais la jeune femme semble avoir un contentieux avec le monde médical et elle lui fait rapidement savoir. Aussitôt elle se lève et se précipite au fond de la pièce. Elle se recroqueville à nouveau et débute une logorrhée à peine audible faite de coqs à l'âne et de calembours. Elle semble sur ses gardes, dans un état d'hypervigilance.

- Bonjour, Mme K., je suis Dr X, médecin psychiatre, psychiatre de garde sur l'établissement. Je viens vous voir dans le cadre de votre admission. Comment vous sentez-vous?

- Cent T? un T, deux T, trois T, quatre T, cinq T, six T, cent T. Non K. elle est pas sans T elle est avec T. Elle est: 
Terrorisarmor, elle est
Terrifacochère, elle est
Tétanisphère, elle est
Tremblotaroulotte, elle est
Tachicardinale.

L'échange se poursuite sur ce même mode. Aux questions précises du psychiatre qui tente de reconstituer l'itinéraire de Mle K, celle-ci répond en usant au mieux sa propre palette des troubles du contenu de l'expression verbale. Entretien difficile, entretien laborieux qui, s'il n'apporte que peu de réponses quant au passé de la patiente, a le mérite de mettre en évidence l'étendue de ses symptômes et le besoin urgent de soin.

- Bon Mme K. les infirmiers vont vous donner un médicament. Vous aller le prendre, ça va vous aider à vous détendre et à dormir. Vous serez revue dès demain par le psychiatre du service qui vous aura en soins. Je vous souhaite un bon rétablissement.

Le psy revient vers nous, Franck lui reprend sa place dans l'encadrement de la porte.

- Bon vous lui mettez 100 gouttes de loxapac. Je vous le prescris en injectable si elle refuse. Bon courage, je vous laisse, on m'attend en gérontopsy. Mais je passe d'abord dans votre bureau, saisir ma pres' et mon observ'. Et puis si besoin, vous n'hésitez pas à me biper! Salut!

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La suite et dernier épisode de cette chronique sera publiée le 27 novembre. Elle sera consacrée à l’administration du traitement. Stay Tuned! 




dimanche 22 novembre 2015

# Revue du web du 22 novembre 2015







1- où l'on s'intéresse au programme Profamille, un éclairage intéressant.
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Schizophrenie-l-essor-d-une-methode-innovante-2015-11-11-1379248

2- où l'on explique le trouble de stress post traumatique.
 http://www.huffpostmaghreb.com/hella-ahmed/les-visages-de-letat-de-s_b_6832524.html

3- où il va falloir se dépêcher pour voir cette vidéo car demain elle ne sera plus disponible sur le replay d'ARTE7. L'excellente émission Xenius s'intéresse à la pleine conscience. 27 minutes de zen... http://www.arte.tv/guide/fr/057372-018-A/xenius?autoplay=1

4- où je fais mon autopromo suite à la publication sur infirmiers.com de l'un de mes textes: http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/lire-rien-oppose-nuit.html

5- et pour finir difficile de ne pas parler du travail réalisé par les CUMP suite aux attentats de Paris. http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/11/15/24317-psy-mobilises-chevet-ceux-qui-ont-vecu-limminence-leur-mort




vendredi 20 novembre 2015

# 26 - la suite royale - épisode 2/4: premier contact

@Matilde Zacchigna


Si t'as loupé le premier épisode, vas voir, il est encore sur le replay: EPISODE 1 - L'ANNONCE

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Le transfert ambulance - chambre d'isolement s'est déroulé sans encombre. Mle K. s'est réfugiée dans un angle au fond de la pièce. Recroquevillée sur elle-même elle fait penser à une bête traquée et apeurée. Deux collègues de réadapt' se sont libérés pour nous épauler Franck et moi. L'un d'entre eux, David, jeune DE d'une trentaine d'année, n'a de cesse de manifester son empressement. "Pas que ça à faire, on a repas thérapeutique nous! Le cadre le sait bien pourtant, il pouvait pas aller piocher dans un autre service!". Si ces deux collègues ont normalement un rôle de soutien, c'est pourtant David, un gars à qui on l'a fait pas comme il aime à le rappeler, qui prend la parole en premier.

- Bon bonjour Madame, vous aller voir un médecin sans tarder. En attendant on va vous apporter un dîner mais avant cela vous aller vous déshabiller et enfiler le pyjama qu'on vous a posé sur le lit.

Mais rien ne change dans l'attitude de Mle K. Son corps reste figé tandis que sa tête, elle, n'a de cesse de bouger. Elle scrute, regarde et inspecte chaque recoin de la chambre aux murs décrépis. Se dit-elle comme je me le dis qu'il serait grand temps d'y donner un coup de peinture, que cette chambre censée exposer le patient au minimum de stimuli ressemble plus à un tombeau qu'à un lieu de soins.

David fait un pas en avant et reprend sa litanie en décomposant chaque mot syllabe pas syllabe comme si la patiente n'avait qu'un léger problème de compréhension. Soudain son mouvement de tête s'arrête, elle le fixe et lâche à toute vitesse "J't'emmerde toi et ton pyjama". On parle pas comme ça à David.

- Madame, nous on vous respecte, alors vous nous respectez s'il vous plaît. Et votre pyjama si vous n'arrivez pas à le mettre, c'est nous qui allons vous le mettre. On vous laisse une minute pour le faire lui dit-il avant de faire demi-tour et de nous rejoindre dans le sas de la chambre.

- Tu peux me passer des gants s'il te plaît me dit-il, je pense qu'on va avoir besoin de le faire à sa place.

- Attends, intervient Franck, on va pas s'enflammer tout de suite,

- Ouais enfin on va pas y passer la nuit,

N'oublie pas que c'est notre patiente, et c'est le premier contact qu'on a avec elle. Autant ne pas tout foutre en l'air tout de suite...

- Faites comme vous voulez après tout, moi j'm'en fiche...

- Suzie, ça te dérange pas d'aller vers elle, peut-être qu'avec une femme le contact sera plus facile.

Je rentre dans la chambre avec une bouteille d'eau et un gobelet en carton. J'ai pris soin de garder la bouteille fermée au cas elle s'imaginerait qu'on y ait introduit quelques puissants neuroleptiques et fais bien attention à ce qu'elle me regarde lorsque j'ouvre la bouteille. Je remplis le gobelet et le lui tend.

- j'ai pensé que vous auriez peut-être soif.

Je garde le bras tendu dans sa direction pendant un moment qui me semble infiniment long. Je sens les 3 paires d'yeux qui dans le sas m'observent. Et puis après un ultime hésitation Mle K. se saisit du verre et le vide d'une traite. J'enchaîne immédiatement. Je lui tend la main pour la saluer. Elle tourne la tête vers le mur et me présente son coude. Je ne relève pas et poursuit.

- Bonjour, je m'appelle Suzie, je suis infirmière ici, à l'hôpital. Drôle de journée n'est-ce pas... J'imagine que c'est pas vraiment l'idée de la région que vous vous faisiez...

Est-ce qu'elle m'écoute? Je n'en ai pas la moindre idée. Rien dans son comportement ne me le prouve. Tandis que je lui parle, j'en profite pour l'observer. La première chose qui me frappe c'est qu'elle semble étonnamment jeune, un air d'ado presque une gamine, bien loin de l'âge qui figure sur les étiquettes d'admission. Elle porte un drôle d'accoutrement, succession improbable de vêtements, qu'elle empile comme si elle se déplaçait avec l'ensemble de sa garde-robe. C'est bariolé, plutôt inadapté, usé et déchiré. Tout comme ses chaussures, des godillots aux semelles percées. La chanson "un km à pied ça use les souliers" me travers l'esprit, j'esquisse un sourire.

- Vous avez inquiété pas mal de monde aujourd'hui, c'est une bonne chose que vous soyez ici à présent. Vous avez besoin de vous reposer... Il y a un pyjama posé sur le lit et ce serait super que vous le passiez. Vous serez bien mieux pour dormir. Et puis ne vous inquiétez pas pour vos vêtements. Je vois que vous en avez beaucoup mais on va en prendre soin. Tout comme vos bijoux. J'imagine qu'ils ont une valeur importante à vos yeux, donc on va en prendre grand soin et dès que vous sortirez de cette chambre vous récupérerez vos affaires. ça vous convient?

Mle K. ne me répond pas et semble toujours aussi apeurée. Je m’apprête à rejoindre mes collègues dans le sas quand elle se relève d'un bond et prend la parole.

- Violet ça fait du violet. Du rouge sur le bleu, ça fait du violet. Bizarre non? Bizarre vous avez dit bizarre. Pas du tout dans violet il y a viol. Le viol est partout, quand on mélange des couleurs primaires voilà ce qu'on obtient. Tu mélanges deux primaires tu as un viol violet. Bravo l'école primaire. Alors non pas de pyjama bleu avec moi, non hors de question.

- c'est la couleur du pyjama qui vous dérange?

- Ah oui pas de bleu. des tâches, des tâches, des tâches partout et on aura du violet et je veux pas de viol moi. ah non pas de viol.

- Vous avez vos règles c'est ça?

chuut chutt plus bas. faut pas réveillez le monstre. les menstrues oui.

- Alors je vais vous apporter des serviettes hygiéniques et vous aller mettre le pyjama ok?

Quelques minutes plus tard, la jeune patiente est en pyjama. Tandis que je regagne le sas avec les vêtements de Mle K. pour les y ranger, Franck me jette un regard de soutien.

- Bien joué me dit-il.

- Oh tu sais c'était quitte ou double, coup de bol sur ce coup là!

C'est à ce moment là que surgit le cadre de garde. Il entrouvre la porte, glisse sa tête et nous murmure:

- le médecin de garde ne devrait pas tarder mais il est déjà sur une situation un peu chaude. ça va ici?

- ça le fait. on va donner le repas à la patiente en attendant son arrivée.


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l'épisode 3 consacré au temps médical sera en ligne mardi 24. Stay Tuned!



mardi 17 novembre 2015

# 25 - la suite royale épisode 1: l'annonce!

Diana

Aujourd'hui, début d'une longue chronique consacrée à une intervention en chambre d'isolement, un acte du quotidien qui alimente toujours beaucoup de débats et controverses. 
Une chronique qui vous tiendra en haleine (... enfin je l'espère :-) ) jusqu'au vendredi 27 novembre!

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Il est 18h10, je suis avec le cadre de garde. Au téléphone.

- Suzie Cul, on va avoir besoin de la "suite royale", me dit-il en insistant lourdement sur ces deux derniers mots.

- On dit pas Cul, on le prononce à anglo-saxonne, Qyou.

- Oh comme tu veux Suzie, c'est que Cul je trouve ça plus rigolo!

- Et bien pas moi.

- Oh, fais pas la gueule, faut avoir un peu plus d'humour pour bosser ici hein tu crois pas?

- Bon c'est pas pour analyser mon sens de l'humour que tu me téléphones. Une admission sur le feu c'est ça?

- Oui mais pas n'importe qui! Vôtre suite royale mérite le haut du panier, alors on vous a déniché un client hors du commun, un hors secteur et cerise sur le gâteau en SPDRE!

dimanche 15 novembre 2015

# - Revue du web du 15 novembre 2015



Malgré l'état d'urgence et l'horreur, je publie cette revue de presse, qui d'un coup d'un seul me semble comme vide de sens...

1- Faut arrêter de picoler! Excellente interview qui dit ce qu'il faut dire! à quand un Dry January en France? http://www.atlantico.fr/decryptage/qui-se-passe-pour-notre-corps-quand-on-arrete-alcool-mickael-naassila-2411557.html#IirQWE1rKrIDXp5u.99

2- On poursuit sur cette thématique avec une tribune parue dans Libé cette semaine. Vite, il faut agir! Nos élus sous la pression du lobby des grands alcooliers vont encore faire un magnifique n'importe quoi. C'est signé le grand Michel Reyaud et c'est à lire ici: http://www.liberation.fr/debats/2015/11/09/la-loi-de-sante-va-creer-les-malades-de-demain_1412242

3- Alcoolique de Jonathan Ames. Un roman gaphique qui m'a l'air de toute beauté, de ce que j'ai pu en voir sur le site du nouvel obs: http://bibliobs.nouvelobs.com/bd/20151019.OBS7889/l-humanite-est-un-gigantesque-alcoolique-les-memoires-ethyliques-de-jonathan-ames.html . Idée cadeau pour Noël!

4- Sophie Robert est une personne engagée qui cherche à déconstruire la psychanalyse. J'aime beaucoup son travail et vous conseille son interview sur le cercle psy: http://le-cercle-psy.scienceshumaines.com/sophie-robert-on-m-attaque-parce-que-je-suis-porteuse-de-mauvaises-nouvelles_sh_35258

5- Un long article mêlant anthropologie et ethnopsychiatrie autour de la question de la prise en charge des patients d'origine étrangère ans les services de soins. C'est de la recherche, un peu ardu à lire mais fort intéressant! https://anthropologiesante.revues.org/1725

6- Où l'on parle de la méthode Minnesota dans la prise en charge des addictions. Reportage dans une clinique Suisse à lire ici: http://www.liberation.fr/planete/2015/10/29/en-suisse-clinique-et-dependances_1409850 . Et contrairement à ce que dit l'auteur, ça se pratique aussi en France et ce depuis plus de 20 ans avec le centre apte: http://rue89.nouvelobs.com/2013/12/15/maison-kate-docu-centre-desintox-fille-jane-birkin-248335




mardi 10 novembre 2015

# - y'a pas que la psy - octobre 2015

C'est vrai il n'y a pas que la psy. Alors entre mes 35 heures hebdomadaires et le temps consacré à la rédaction de ce blog, voilà ce que j'ai aimé en octobre:

1- Lontano, le dernier polar signé Jean Christophe Grangé. C'est à mon sens le meilleur auteur de polar contemporain, loin devant tout le monde. Dommage que sa recette - efficace - soit la même depuis des années. C'est bon mais on est tellement en territoire connu que cela manque de fraîcheur voire de suspense. Un impression de déjà vu. C'est vrai ce billet s'appelle "y'a pas que la psy" mais comme souvent chez Grangé, la psychiatrie est au coeur de l'intrigue. Ici on parle d'UMD et de St Anne. Un infirmier psy est même au centre de l'intrigue. Malheureusement Grangé entretient l'idée que la psychiatrie serait avant tout un lieu de détention et non un lieu de soin.


2- Blancanieves. Si vous aimez les Freaks ambiance Tod Browning, vous risquez d'adorer ce film espagnol, hommage au cinéma muet en noir et blanc. Une variation très réussie sur Blanche Neige et les 7 nains. Vu sur Arte en octobre.



3- Sicario. La bombe cinématographique du Québécois Denis Villeneuve. Un film dur, un film mûr, un film adulte. Superbe premier rôle féminin pour Emily Blunt. Dans le genre rien de vu de mieux depuis Zero Dark Thirty. Un son venu d'outre tombe, des scènes d'anthologies, un grand film qui méritait la Palme d'Or à Cannes.





4- The libertines. Beau retour sur le devant de la scène rock pour le groupe de Pete Doherty. 







dimanche 8 novembre 2015

# - Revue du web du 8 novembre 2015


1- Où l'ont passe à l'étape supérieure au Canada qui indemnise financièrement les victimes de contention. Voilà qui devrait appuyer les propos du collectif des 39 et accélérer la réflexion autour de cette épineuse question dans nos EPSM. http://www.journalsaint-francois.ca/actualites/societe/2015/10/29/les-victimes-de-contention-ont-jusqu-au-3-decembre-pour-etre-ind.html

2- Où je découvre avec retard la superbe plume pleine de justesse et d'humour de Didier Morisot, un collègue de soin et donc d'écriture. Régulièrement publié sur infirmiers.com, je partage ici un texte diffusé sur Rue89. Je me sens bien petite à côté de lui.  http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/07/monstre-loch-ness-nest-ecosse-est-fond-256933.

3- où je continue de combler mon retard en découvrant cette tribune (qui date de fin 2014) intéressante signée par deux des grands argentiers de notre pays (Claude Bébéar, fondateur d'Axa mais ici dans son rôle de penseur au sein du think thank Institut Montaigne et David de Rothschild, banquier mais qui écrit ici en tant que mécène de la fondation fondamentale). Maladie mentale: un fléau sous-estimé, c'est par ici: http://www.desideespourdemain.fr/index.php/post/2014/10/10/Maladies-mentales-%3A-un-fl%C3%A9au-sous-estim%C3%A9#.VjoW2NUvfnC


4- Où la FHF présente ses conclusions et recommandations de sa commission psychiatrie et santé mentale.  La diapo n°12 revient sur la formation infirmière. à lire ici: file:///home/chronos/u-17ef675304ad8d8595162c33f8a0924c4fdd2275/Downloads/Pr%C3%A9sentation+travaux+de+la+Commission++P&SM+valid%C3%A9s+en+s%C3%A9ance+du+11+mars+2015.pdf

5- où le monde nous fait partager le quotidien d'un infirmier ivoirien. Du soin sans moyen. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/10/22/vingt-quatre-heures-dans-la-vie-d-un-infirmier-ivoirien_4794909_3212.html





vendredi 6 novembre 2015

# - Sélection Vidéo octobre 2015

@James Good
https://www.flickr.com/photos/jamesgood/

A trop zoner sur le web, on découvre chaque jour des vidéos. Nouvelles ou anciennes, bonnes ou moins bonnes, on trouve de tout. Voici une petite sélection hautement subjective de ce que j'ai aimé en octobre :


Connaissez-vous les conférences TED? pour reprendre la défintion donnée sur wikipédia c'est "une série internationale de conférences organisées par la fondation à but non lucratif The Sapling foundation. Cette fondation a été créée pour diffuser des « idées qui valent la peine d'être diffusées »

J'ai beacoup aimé celle de Jon Ronson sur les psychopathes: (pensez à activer les sous-titres sur youtube si comme moi vous ne maîtrisez pas toutes les subtilités de l'Anglais)



Dans un genre différent voici un excellent court métrage qui mêle trois points de vue lors d'un entretien famille chez le psychiatre. La mère et son fils, atteint de schizophrénie, sont présents. Travail ambitieux et artistique à 6 mains et 3 cerveaux. à travers l'aubépine:




Plus d'explications avec l'interview des 3 réalisatrices à visionner ici: reportage Arte


Et puis j'en ai déjà parler l'autre jour, mais il mérite que l'on s'y arrête. Un court réussi sur la prévention de l'alcool au volant. Le bon vivant.



hop, hop; hop, on pioche dans toutes les bonnes séries (de nurse jackie à downton abbey) pour parler de notre identité professionnelle. Bravo Clémence Durand, étudiante IDE, pour cette vidéo



Et pour finir, un petit mot sur la Madpride. Née aux Etats-Unis dans les nineties, la mad pride est une marche dont le but est de revendiquer le respect et la dignité pour les personnes en difficulté psychique. Depuis 2014, une telle marche est organisée à Paris. Retour sur la marche de juin dernier: 




mardi 3 novembre 2015

# 24 - Lettre ouverte à toi qui t’apprêtes à lâcher 100 millions de boules pour acheter Nurse



D'emblée j'avoue. "Lettre ouverte" c'est un peu prétentieux. Et pourquoi pas un "J'accuse" à la Zola. Pour revendiquer une telle lettre qui serait donc ouverte, il faut avoir un minimum de contenu à exposer. Je vous le dis comme je le pense, dans ce genre de lettre, un point de vue aiguisé n'est qu'un plus. Si l'on ne veut pas se contenter de faire du remplissage insipide, mieux vaut savoir argumenter et démonter l'adversaire ou du moins ses idées avec pertinence et talent.

Alors si ce n'est une lettre ouverte, qu'est-ce donc que cet article Suzie Q vous demandez-vous, ME demandez-vous? Et bien c'est une réaction spontanée, une réaction au choc intersidéral, à l'info balancée entre deux titres sur France Inter tandis que je pilotais mon bolide pour me rendre au travail, info qui me laissa groggy et sonnée: la toile de Roy Lichenstein "Nurse" va être vendue aux enchères début novembre. Une vente estimée à 100 millions d'euros. Boum! Rien que ça. Prend le temps de relire, d'assimiler et de digérer. C'est bon t'as compté le nombre de zéro, t'as peut-être même fait une conversion en francs. Et si un doute demeure en toi, si tu crois que Suzie Q te pipeaute, et bien file lire la presse ou pour reprendre une expression jetée aux ordures, depuis quelques temps déjà mais qui était au sommet de la hype nerds-geeks and Co. des années 2000: Google est ton ami !

Alors oui, il y a quelqu'un, quelque part, qui - imaginons le, le cul vissé dans un canapé hors de prix oeuvre d'un créateur excentrique n'ayant jamais travaillé chez conforama probablement, imaginons le sirotant un cocktail exotique fait d'alcool importé des contrées les plus éloignées et inaccessibles de ce monde et certainement introuvables au rayon bibine de l'intermarché du coin - imaginons le observant les murs de son salon et se dire avec conviction comme si une révélation venait de frapper son esprit:

 - oh il manque quelque chose dans ce salon.

C'est la règle des 3 Q, n'est-ce pas Suzie Q? Quelqu'un, quelque part, quelque chose... That's right!

Oui imaginons-le cet homme ou cette femme, adepte de la décoration d'intérieur se poser l’existentielle question:

- j'hésite encore, j'ai feuilleté tous le catalogues de pub mais je ne trouve rien. Pourtant y'a des prix bas sur tous les posters et affiches à la Foire Fouille et un choix conséquent, mais je ne trouve rien qui puisse aller dans mon salon. Alors oui j'hésite, car le 9 novembre prochain, il y a cette vente au Rockefeller Plaza, de ce tableau pop art, non c'est pas du Warhol, c'est l'autre là, celui qui a le nom comme un pays, mais oui tu sais ça commence par un L, euh..., Luxembourg oui ça doit être ça, Roy Luxembourg...  

100 millions. Ce qui m'a choqué, ce n'est pas tant le prix mais plutôt qu'un individu soit prêt à débourser une telle somme pour s'approprier une toile représentant une infirmière. Je me suis dis cet individu là doit sacrément nous aimer, nous les infirmières. Il a probablement bénéficié de soins d'excellentes qualités à un moment ou un autre de son existence. Cet amour dont son compte en banque est le témoin, je l'accepte mais... Mais il y a tellement d'autres façons de nous le prouver cet amour. Tellement de manières d'aider la communauté infirmière sans devoir acheter cette toile inspirée de la BD. Alors que faire?

Bon, ne t'inquiète pas, j'ai quelques solutions de replis à te conseiller. Alors c'est vrai elle sont orientée psychiatrie Française, mais que veux-tu bonhomme, on se refait pas et comme disait l'autre "chacun défend son bifteck".

- Nous sortir du marasme. T'en a peut-être entendu parler mais c'est pas l'éclate budgétaire. Notre train de vie ne fait rêver personne, on mange dans des barquettes, les draps et couvertures aux couleurs fadasses de nos services ont été lavés et lavés encore, nos patients aimeraient parler à des soignants riche de temps au lieu de s'adresser à des fusées qui traversent les services en distribuant à l'arrache quelques soins et nous, ben c'est tout con mais on aimerait préserver ce qui nous reste à préserver avant de finir comme ces draps: élimés, usés, vidés. Alors certes c'est pas avec tes "minables" 100 millions de boules que tu vas sauver l'hôpital public et ses 247 millions d'euros de trou (398 ramenés à 247 suite aux cessions d'actifs cf article ici) mais si pour cette année tu te concentres à l'activité psychiatrique je suis sûr que tu vas le boucher ce trou! On verra l'an prochain pour les soins généraux ok?

- Relancer la recherche Française en psychiatrie. La presse en a parler il y a quelques semaines, on est pas des cadors de la recherche. Dans le peloton on est à la queue... Tu ne me crois pas? Non mais je t'assure c'est le projet ROAMER qui l'affirme. (à lire ici Site de ROAMER ou encore un article de presse ici Le Point). Alors pourquoi ne pas t'inspirer de David De Rotschild qui est le mécène de la fondation fondamentale et qui avec son argent contribue à créer des centre experts pour la schizophrénie et la bipolarité entre autre)

C'est deux projets sont les deux premiers à m'avoir traversé l'esprit mais il y a probablement des centaines d'autres façons d'investir ton argent et démontrer ainsi ton amour pour la profession infirmière. Crois-moi, nous t'en serions reconnaissante.

Et s'il te reste quelques billets tu pourras toujours:

- décorer ton salon avec cette reproduction de l'oeuvre de Roy en vente sur Ebay à 39£ http://www.ebay.co.uk/itm/ROY-LICHTENSTEIN-POSTER-NURSE-1964-POPART-ORIGINAL-VINTAGE-SILKSCREEN-MINT-/171803022566

- nourrir ton fantasme à propos des infirmières, tout en conservant l'esprit bande dessinée qui t'es cher en t'offrant l'intégrale d'Angie, infirmière de nuit. Quoi? tu ne connais pas! Mais qu'est-ce que tu fais encore à me lire, coquin, file vite ici découvrir Angie: http://fr.zizki.com/chris/angie-infirmiere-de-nuit-1

Te souhaitant de mener à bien tous tes projets,
Je te prie d'accepter mes salutations respectueuses.
Suzie Q, infirmière.