jeudi 28 septembre 2017

Un syndrome post traumatique? vous prendrez bien 10 ans de psychanalyse



Trapped by Aditya Doshi


"Comment mesurez-vous l'efficacité de votre prise en charge?"

Cette question qui me brûlait les lèvres, c'est Aurélie qui la posa. Et ainsi en l'espace d'une fraction de seconde je me sentie un peu moins seule dans cette salle de formation. Et dans la lente respiration qui suivie, dans ce volume d'oxygène pourtant saturé en CO² qui vint remplir mes poumons, je sentis un agréable mieux-être se diffuser en moi.

Tellement dommage que ce sentiment n'apparaisse que si tardivement... Pendant ces 3 journées consacrées au psychotraumatisme j'avais l'impression d'être une extra-terrestre du soin.

A chaque pause j'avais entendu l'admiration que le formateur suscitait chez mes collègues. Sa longue expérience de psychologue, ses interventions au sein de la cellule psychologique locale (CUMP), son sens du détail dans la description clinique des atrocités qu'il avait expertisé provoquaient torrents de louanges et exerçaient sur les infirmiers et infirmières du groupe comme une espèce de fascination.

Je n'avais pas remarqué Aurélie. Introvertie, discrète, elle n'était pour ainsi dire pas intervenue durant ces 3 jours jusqu'à cet ultime tour de table.

Face à l'absence de réponse de celui qui comme moi découvrait le son de sa voix elle précisa sa question:

- Je vous ai écouté attentivement, j'ai pour l'essentiel compris le sens du travail d'analyse que vous faites avec vos patients psychotraumatisé mais quelque chose me chiffonne... Je vois pas comment vous évaluez l'efficacité de votre travail? Comment savez vous si votre travail permet à vos patients de guérir ou en tout les cas de mieux vivre avec leur trauma? Utilisez vous des grilles ou des questionnaires pour quotter leur angoisse lors de votre première rencontre puis à intervalles réguliers?

Celui qui était aussi expert auprès des tribunaux laissa un blanc s'installer, sa racla la gorge puis répondit Aurélie:

- Je note que dans vos propos l'expression "évaluer l'efficacité" c'est bien ça n'est-ce pas?

- Oui peut-être... j'ai en effet dû dire cela....

- Pas de peut-être, vous l'avez dit.

- Et donc?

- Et donc me dites vous? Et bien je vais vous dire! "Evaluer l'efficacité" voilà une expression que je n'aime pas trop! Savez vous que l'humain et plus particulièrement le psychotraumatisé est un être exceptionnellement complexe qui ne saurait se laisser évaluer. Il n'est pas un robot dont on pourrait évaluer l'amélioration liée à tel ou tel changement de processeurs, logiciels ou autre. Non la complexité ne se laisse pas apprivoiser facilement...

- Je comprend et ne met nullement en cause la complexité de l'humain.  En revanche, les symptômes, ils existent quand vous rencontrez votre patient et ce que ce dernier attend c'est que vous les gommiez non?

- Peut-être... Vous savez nous proposons notre aide, nous ne l'imposons pas, c'est ensuite au patient de s'en saisir s'il estime en avoir besoin. Et puis tout ça est extrêmement variable. Certains s'améliorent au fil des séances, ils nous le disent et on le constate, d'autres arrêtent la thérapie sans qu'on en connaisse la raison, d'autre encore la poursuivent pendant des années sans avancer d'un iota. Réduire cela à une accumulation de symptômes qu'il faudrait faire disparaître comme une vulgaire liste de tâches à accomplir me semble quelque peu réducteur...

- Et ben je ne partage pas votre avis.

Tandis que chacun range crayons et cahiers en cette fin de journée de juin à peine refroidie par la critique d'Aurélie je repense déjà à ce à quoi nous venons d'assister.

Le psychotramatisme. Voilà un thème passionnant et ô combien d'actualité m'étais-je dit en découvrant cette formation proposée au sein de l'EPSM. Il n'y avait pas plus de détail sur le contenu si ce n'est le nom du formateur et sa qualité. Un psychologue sans plus de précision sur son obédience. Je demandai à ma cadre la possibilité de participer à cette formation, ce qu'elle accepta connaissant mon projet d'un jour intégrer la CUMP de mon département. (... bon au moment où j'écris ces lignes je suis plus que pessimiste à ce sujet puisque chacune de mes relances depuis deux ans se solde systématiquement par un laconique et expéditif "la CUMP ne recrute pas")

Le bilan que je tire de cette formation n'est pas mitigé, il est catastrophique. Je m'explique. J'étais très enjouée à l'idée de consacrer 3 jours à étudier le psychotraumatisme. Ces près de 24h promettaient monts et merveilles ou plutôt monts de morbidités et merveilles d'atrocités. Mais rapidement le formateur aussi sympathique soit-il et aussi compétent soit-il (je rappelle formateur, psychologue clinicien, psychanalyste, expert auprès des tribunaux, membre de la CUMP etc...) a mis le feu aux poudres. Au moins dans mon cerveau...

"... alors le traitement du syndrome de stress post traumatique rentre dans le cadre d'une psychothérapie classique relativement longue..."

Vous allez me dire que je vois la mal partout... Cette phrase qui m'a fait bondir est une fois écrite relativement vide... Qu'est-ce qu'une psychothérapie classique? Ben je sais pas ça dépend de qui la prononce non? Et si c'est un psychanalyste ne peut-on pas imaginer un instant que classique signifie psychanalyse? surtout quand à classique il accole "relativement longue"?

Le problème, voyez-vous, c'est qu'a aucun moment - aucun! - sur les 3 jours de formations ce formateur n'a abordé les alternatives à une "psychothérapie classique".

Rien sur l'EMDR,
Rien sur les Thérapies Brèves
Rien sur l'imagerie mentale
Rien sur l'hypnose
Rien sur le mindfullness ou pleine conscience
Rien sur les TCC
Rien sur la Thérapie d'acceptation et d'engagement ACT
Rien sur la Thérapie d'exposition
Rien sur le Propranolol

Et quand je rien, c'est rien! Nada, que dalle, pas un mot, pas une seule fois, pas UNE seule putain de fois, ce formateur au CV pourtant dense n'a ne serais-ce que cité l'une de ces thérapies.

Moi je n'ai rien contre les références et citations Freudienne dont à usé et abusé le formateur...

Je n'ai rien contre un formateur qui met une distance professionnelle avec des apprenants IDE en utilisant un champ lexical auquel les IDE aussi doués soient-ils n'ont qu'un accès limité.

Je n'ai rien contre l'enrobage psychanalytique qui - aussi jargonaphasique soit-il - suscite admiration dans les rangs des apprenants.

Je n'ai rien contre un formateur qui toutes les 3 phrases pose inlassablement cette même question "je sais pas si vous me comprenez?" ou bien "je sais pas si j'ai été clair là?"ou encore "vous comprenez ce que je veux dire?"

Bon ok je n'en ai pas totalement rien à faire... mais je peux l'accepter! Je peux accepter qu'un psychologue nous ramène, nous IDE, dans nos rangs de soignants terre à terre qui n'avons pas accès au symbolisme ou à la représentation. Nous n'avons pas la même formation, nos métiers et missions sont différentes alors je l'accepte...

J'accepte que chaque fois que l'un d'entre nous avance une interprétation symbolique, il doit quasi s'en excuser un ajoutant à son interprétation une expression comme "jouer les psy de bazar" ou "psychologie de comptoir ou de bas-étage" quand ce n'est pas "psychologie de caniveau". Je l'accepte car encore une fois nous ne sommes pas formés à cela...

Mais ce que je ne peux accepter c'est qu'une formation professionnelle dispensée dans un hôpital qui reçoit ponctuellement des traumatisés psychiques en grande souffrance soit aussi léger sur le contenu de ses formations.

Je m'en fais tout une montagne? Je regarde trop le soin avec un prisme TCC? Je n'accepte pas que la psychanalyse soit aidante pour nombre de patients? Vous croyez que c'est ça? Peut-être, mais voyons voir ce qu'en dise les textes...


Bon, histoire de ma faire taper dessus, commençons par Wikipédia! 

"Le but principal des traitements par les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ou par l'EMDR est de faire disparaître toute la symptomatologie post-traumatique et de permettre ainsi à la victime de retrouver le statut antérieur."

à lire ici: https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_de_stress_post-traumatique#Traitements

Bon j'ai bien compris wikipédia n'est pas une source officielle ou suffisamment fiable pour un sujet aussi sensible. En lisant l'article de wikipédia j'ai néanmoins découvert qu'un traitement du stress post trauamtique se prépare associant psychothérapie et prise de MDMA !!! Hallucinant non??

Alors allons voir ce que dis l'HAS! Et bien dès 2007, l'HAS a publié un guide qu'on peut télécharger ici et qui en page 17 aborde le stress post trauma. Je cite:

Le traitement de choix est la Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) centrée sur le traumatisme ou la désensibilisation avec mouvements oculaires (EMDR : eye movement desensitization and reprocessing).

Oui vous avez bien lu "traitement de choix". Ce n'est pas écrit "en seconde intention" ou "pour les cas les plus résistants" ou "après 10 ans de psychanalyse infructueuse"... non "traitement de choix"!!

L'HAS vous dégoûte, elle n'est qu'une grosse machine qui ne comprend rien à la finesse de la psychiatrie, c'est ça? Alors voyons voir ce qu'en dit l'institut de victimologie. Extrait du site :

"Plusieurs stratégies thérapeutiques peuvent être proposés, leur indication est posée dans tous les cas par le psychiatre après une évaluation clinique : thérapie comportementale et cognitive (TCC) , le Eye Movement Desensitization and Retroprocessing (EMDR), l'hypnose, les groupes, la relaxation, thérapie interelationnelle ; dans tous les cas il s'agit d'une prise en charge psychologique globale mais centrée sur le traumatisme et ses conséquences, puis sur la personne et ses propres ressources."


Quand à la célèbre "neutralité bienveillante" chère à mon formateur et selon lui essentielle dans la prise en charge du stress post trauma, je recite l'institut de victimologie:


"Le thérapeute se met au contraire résolument du côté de la victime et bannit la « neutralité bienveillante » au profit d'une attitude empathique bien dosée qui ne confine jamais à la sympathie"

Promis j'ai rien inventé: même moi je trouve le verbe utilisé fort, très fort, limite extrême.

L'INVS a lui aussi son point de vue sur cette neutralité.

"Ce que Freud a défini comme une « neutralité bienveillante » qui vise à laisser la place au patient, désarçonne les victimes qui attendent parfois une attitude plus active faite d’interventions et de conseil. En règle générale, les victimes ne sont pas en mesure de s’engager d’emblée dans une telle démarche psychothérapeutique"

Quant au moyens existants pour évaluer l'efficacité d'une prise en charge du stress post traumatique il existent n'en déplaise à mon formateur. Oui Aurélie, chère collègue, ils existent.

Page 19 du document de l'HAS pré-cité on peut lire ceci:

"Les échelles disponibles pour mesurer l’efficacité des traitements sont Impact of Event Scale (IES-R), PTSD Symptom Scale Interview (PSS-I) et Posttraumatic Stress Diagnostic Scale (PTDS)."

Ces échelles sont faciles à trouver sur le net.

En débutant la rédaction de cet article, je n'avais pas pour intention de dézinguer mon formateur. Mais j'ai ressentie une forte colère lors de cette formation que j'ai voulue exprimer "sur papier".

Nous recevons des patients. Ils sont en demande d'aide et c'est notre mission de les aider.

Comment un IDE va-t-il concrètement mettre en application le contenu de sa formation?
En réalisant des entretiens riche de neutralité bienveillante... C'est pas ce qu'il faisait déjà? Si mais bon... En sortant aux trans infirmières des bouts de phrases qu'il aura copié mot à mot lors de sa formation "tu vois il y a une déliaison des interactions subjectives et intrasubjectives" bouts de phrases qui feront un flop a peine seront-ils sortis de sa bouche?

Nous sommes infirmiers et nous avons un rôle thérapeutique. Dans toutes les thérapies brèves que j'ai cité un peu plus haut nous avons notre place à prendre, notre rôle à jouer. A nous de nous en saisir. Boire les paroles d'un psychanalyste a certes quelque chose d'enivrant mais jamais nous ne deviendrons psychanalyste, cela ne relève pas de notre décret de compétences. Formons nous aux autres thérapies, celles qui soignent et soignons, bordel de m...e !!

L'OMS qui cite lui aussi l'EMDR et les TCC ne s'y trompe pas et ne nous oublie pas. Je cite son communiqué de presse du 6 août 2013 sur les soins de santé mentale après un traumatisme  "... au moyen de protocoles thérapeutiques simples pouvant être utilisés par les médecins et les infirmiers qui prodiguent des soins de santé primaires."


Kiss Kiss
Suzie Q, une fiction autobiographique





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