mardi 22 septembre 2015

#14 - le complexe du castor

C'est le genre de film casse-gueule. Du genre à sombrer dans les travers des films traitant de la dépression. Les grosses ficelles habituelles: du sentimentalisme outrancier, un retour aux vraies valeurs, des larmes, des vraies et puis des levers de soleil et un goût prononcé pour la beauté du monde associé à un refus systématique du métro-boulot-dodo ce rythme de ouf qui nous tuera tous! 

Si t'as loupé, le contexte dans lequel je l'ai regardé va vite voir ici:


Ce Castor n'a pas de barrage!

Cet écueil, Jodie Foster, à la fois devant et derrière la caméra, l'évite avec brio en offrant à Mel Gibson l'un de ses meilleurs rôle. 

"Le castor, l'arme fatale de la dépression"

(... oui y'a une private joke, réservée aux "fins" connaisseurs de la carrière de Mel!)



L'Australien y incarne Walter, un homme a qui tout avait réussi (amour, famille, travail) et qui - on n'en saura pas vraiment les causes - bascule dans une dépression... profonde. La scène d'ouverture pose clairement les choses en quelques minutes "La dépression de Walter est comme une encre qui tâche tout ce qu'il touche, un trou noir qui engloutit quiconque l'approche". C'est bien écrit, ça va droit au but.

Et cette écriture est soutenue par une réalisation qui fait mieux que tenir la route en témoigne la scène du suicide raté de Walter qui arrive à être à la fois juste et émouvante tout en utilisant le ressort comique du héros bourré sans tomber ni dans le ridicule ni... dans le vide! Faut dire qu'à la réalisation et à l'écriture s'ajoute une BO qui accompagne merveilleusement les images. Un tango-argentin signé Marcelo Zarvos qui fait mouche.

Cette scène du suicide donne le la en montrant un passage à l'acte comme il en est des milliers chaque jour. (Oui ça semble exagéré mais rien qu'en France on est à environ 550 TS par jour http://www.sante.gouv.fr/etat-des-lieux-du-suicide-en-france.html). Une TS c'est comme ça, comme celle de Walter, quelque chose de triste et absurde à la fois, réalisée avec les moyens du bord, dans un état de conscience plus ou moins altéré et qui à la fin à autant de chance de se conclure en chute de barrique qu'en défenestration!

Cette fois-ci pour Walter, ce sera la chute de barrique et la bonne gueule de bois qui va avec au réveil. Alors pour faire face à ses idées suicidaires, Walter va, un peu par hasard, mettre la main sur - et dans - une marionnette - je vous le donne en mille - de castor! Et ce castor il va s'en servir comme d'un outil thérapeutique pour extérioriser ce qu'il n'osait pas dire à son entourage

Et ça marche! Rapidement le castor thérapeutique porte ses fruits. Walter va mieux beaucoup mieux, se rapproche de sa famille, reprend de plus belle son travail... mais à quel prix? Au prix d'une marionnette enfilée sur son bras 24h/24 et qui petit à petit va développer sa propre identité. Walter ne s'exprime plus qu'au travers de cette marionnette ce qui ne va pas être sans dérouter son entourage.

Alors  moi ça ma bluffé! Jamais je n'avais entendu parler de ces marionnettes-thérapeutiques alors forcément ça m'a intéressé! j'ai d'abord cru à une fantaisie scénaristique jusqu'à ce qu'une simple recherche sur google me renvoie 52.000 résultats... ou là j'ai mesuré l’abîme de mon ignorance....

Alors ok une marionnette thérapeutique, mais pour quoi faire? et bien Mr Beaver (c'est le castor) nous l'explique, écoutons le:
La marionnette est "chargé de développer une distance psychologique entre lui (Walter) et les aspects négatifs de sa personnalité"

Malgré tout il y a plusieurs choses que j'ai moins aimé dans ce film. Tout d'abord l'histoire du fils aîné que l'on suit en parallèle, fiston qui fait tout pour éviter de ressembler au père et dont l'on suit les pérégrinations lycéennes entre marchandage de talents d'écrivain et dragouille romantique de Jennifer Lawrence. Ensuite le volet success-story typiquement américain m'a que peu intéressé. Au lieu de faire de son personnage principal un anti-héros du quotidien, Jodie Foster en a fait un dirigeant d'entreprise dont les hauts et les bas semblent conditionnés par sa santé mentale. Si bien que lorsqu'il retrouve sa thymie d'antan, l'entreprise repart de plus belle au point de faire bientôt la une des médias, son directeur étant l'invité de divers shows TV... un peu, beaucoup, passionnément excessif! 

Le retour du bâton. Attention, ça va SPOILER. Même si la vie avec un castor est formidable, elle n'en demeure pas moins périlleuse. Et la place qu'occupe rapidement Mr Beaver laisse peu de doute à l'issue douloureuse qu'on nous mijote. Et c'est dans une scène qui n'est pas sans rappeler - avec certes moins de brio ici que chez Fincher - celle de Fight Club ou Edward Norton se foutait sur la gueule dans le bureau de son patron que Jodie Foster met un terme à cette relation "zoothérapeutique". Scène qui n'est pas sans semer le doute sur le diagnostic médical de ce Walter étant donné la violence du passage à l'acte auto-agressif. Ce diagnostic n'étant pas du ressort de la simple infirmière que je suis, je laisse au psychiatre qui se serait égaré sur ce blog le soin de confirmer ou d'infirmer la structure de psychose suggérée par cette scène.

Pour le plaisir, la scène hallucinante de Fight Club: 





Au final, les défauts évoqués sont bien peu de choses par rapport aux nombreuses qualités de ce film qui sont rappelons-les:

- un sujet original avec pour ma part la découverte de la thérapie par la marionnette
- un Mel Gibson très convaincant dans un rôle loin d'être évident
- une belle écriture de scénario
- une réalisation qui ne vers jamais dans le pathos ou le ridicule
- une BO qui colle parfaitement à l'ambiance du film



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire