mardi 1 septembre 2015

#7 - Effets secondaires


France 2 diffusait dimanche soir le film Effets secondaires, un film dont le pitch ne pouvait qu'intéresser l'IDE psy que je suis: un psychiatre prescrit à une patiente dépressive un nouveau médicament qui on sans doute -c'est dans le titre - va lui provoquer des effets secondaires.

Attention ici, il n'est pas question d'un drame intimiste ou d'une chronique de la dépression, non ici, on parle meurtre, manipulations et malversations financières.


Le casting donne le ton, on n'est pas dans de l'art et essai. Certes le réalisateur Steven Soderbergh a reçu la Palme d'Or Cannoise pour Sexe, Mensonges et Vidéo mais ça c'était il y a bien longtemps. Depuis il s'est tourné vers des films à hauts budgets qui visent une audience large. Côté acteurs, aux côtés de Catherine Zeta-Jones, Jude Law et Channing Tattum, je découvre Rooney Mara dans le rôle de la patiente.

Alors si ce n'est pas de l'art et essai, ce n'est pas non plus un film médical. Non Soderbergh fait dans un genre beaucoup plus populaire, le thriller. Un thriller psychologique, un thriller pharmacologique. Et ça fonctionne plutôt bien. Le film est agréable à suivre et offre ce qu'il faut de rebondissements sans trop en faire (chouette on évite le twist de la dernière minute!). Le rythme est enlevé sans non plus nous imposer une cadence effrénée.

Mais alors qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Et bien plusieurs choses. Il y tout d'abord la plausibilité de l'histoire. Non, là y'a pas à dire c'est ridicule. Attention je suis obligée de spoiler. L'idée si j'ai bien compris est qu'une psychiatre (Miss Zeta-Jones) s'arrange avec sa patiente pour tromper tout son petit monde. Plongeons ensemble dans les discours non écrits du scénario:

- "Bon alors ma belle (oui y'a un léger souci de contre-transfert et de distance relationnelle entre ces deux là), j'ai un plan diabolique, tu vas aller voir un confrère psychiatre et te faire prescrire un tout nouveau médicament dont l'un des effets secondaires méconnu est de provoquer des états de somnambulisme.

- ... bof, pas trop envie...

- t'inquiète, tu n'auras pas à prendre ces comprimés, juste à faire semblant Par contre, tu vas tuer ton mari au couteau puisque à présent c'est moi que tu aimes. Après l'enquête te déclarera non coupable parce que tu était sous l'emprise du médicament et donc somnambule.

- C'est pas un peu risqué ton plan?

- Pas du tout,tu vas être acquittée et on sera heureuse

- Et pourquoi ne pas quitter simplement mon mari sans le poignarder et juste être heureuse avec toi.

- Mais parce qu'on veut de la thune! Énormément de thune!! Et on est peut-être aussi des esprits tordus ahahah...

- Ceci dit, ça va t'as pas l'air d'une crevarde non plus, t'es psy à NY, t'as de belles fringues, et un cabinet qui sent bon le pognon, on peut peut-être vivre ainsi...

- Non on va tuer ton mari et gagner plein d'argent!

- Ok c'est toi qui décide! Mais comment faire pour l'argent?

- Je te l'ai dit, mon plan est diabolique! écoute!

- j'écoute...

- Suite à l'affaire qu'on va provoquer le cours de l'action du labo A qui produit le médicament responsable de somnambulisme va chuter. Du coup les actionnaires vont reporter leurs investissements sur le labo B, dont l'action - vase communicant oblige - va grimper en flèche. Donc dès aujourd'hui je vais acheter tout plein d'actions du labo B à bas prix pour mieux les revendre à lors de l'exécution de notre plan. Diabolique n'est-ce pas, on va se faire des couilles en or ma jolie!

- façon de parler j'imagine..."

Alors oui le scénariste s'est fait plaisir mais ça reste somme toute assez peu plausible ou alors je n'ai pas l'esprit assez vicié...

Cela aurait pu faire un bon film d'investigation sur les relations flous qu'entretiennent psychiatres et laboratoires ou encore sur le lien entre déontologie et marketing à tout va. Alors certes ce film permet d'ouvrir de la façon la plus mainstream qui soit la réflexion sur ces questions sociétales (notamment la question de la responsabilité pénale des malades lors de passage à l'acte) mais il favorise aussi l'émergence de théories complotistes puisque les responsables de labo et les psychiatres sont ici montrés sous l'angle d'individus assoiffés d'argents plus que de soins.

Faut dire que si Soderbergh surfe sur l'angle du "les labos n'ont aucun autre but que celui de nous prendre notre argent quitte à nous tuer" c'est que les class actions à l'encontre des labo se sont multipliées ces dernières années aux USA. Zyprexa, Quiétapine, Rispéridone et beaucoup d'autres...

Ce qui m'a aussi gêné mais c'est habituel dans ce genre de films c'est que la maladie psychiatrique y est forcément montrée sous l'angle du passage à l'acte violent. Alors bien sûr, c'est un film, un thriller de surcroît, mais il contribue malgré tout à l’amalgame existant entre maladie psy et passage à l'acte alors qu'en réalité ces PAA sont beaucoup plus rares.... mais c'est vrai l'absence de PAA ne favorise pas les bons films policiers!

Au final un thriller sympa et bien ficelé qu'il vaut mieux éviter de regarder avec nos lorgnières psy au risque de trop pointer les incohérences.

Ah oui, j'oubliais! La scène est brève mais on y aperçoit une équipe infirmière dans un service psy. Alors comme bien souvent on a le droit à un infirmier qui au jugé de son poids est probablement employé pour jouer les gros bras! Toujours est-il ces vigiles-soignants (géniale la double-casquette!) sont de sont de vrais pro! Si ont dit parfois des flics qu'ils ont la gâchette facile, ici on est sûr que les infirmiers ont l'injection rapide! Tu ne respectes pas le cadre (ici la patiente exige l'usage du téléphone alors que les consignes médicales le lui interdise) hop on t'injecte dans le couloir! Et puis comme on vise le deltoïde et bien ouste la confidentialité du soin et la pudeur on fait ça, à l'arrache, devant les autres patients dans le couloir. C'est sûr c'est pas ce genre de scène qui risque de valoriser le travail soignant des infirmiers en psy!





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire